• en longeant la rive gauche de l'Epte on arrive à Gisors par son faubourg de Boisgeloup

    Rattachée à la municipalité, cet ancien hameau aime se dire lors de fêtes locales, commune libre...

     


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  • LÉGENDE
    de
    L'EURE


    LE PRISONNIER DE LA TOUR

    Vers cette époque, sous le règne de Philippe VI, dit de Valois, et quelque temps après le mariage de ce vieux roi valétudinaire avec la belle et jeune Blanche d'Evreux, parut à la cour de France un noble étranger constamment vêtu de noir. Chacun se demandait qui il était : questions inutiles, car nul ne le connut.
    Or, un jour de gala en l'honneur de la gente royne Blanche, le feu prit aux tentures et courtines de la grand'salle du palais. Prompt comme l'éclair, l'inconnu sauva d'abord la reine, puis il revint chercher le roi au plus fort de l'incendie, et le sauva pareillement.
    A partir de ce moment, et pour récompense de son dévouement aux personnes sacrées du roi et de la reine, il eut ses entrées libres partout dans le palais.
    Mais un jour, - jour néfaste et désastreux ! - le roi ayant à l'insu de tous ses visiteurs quitté son lit de douleur pour venir chercher un peu de déduit auprès de sa gente Blanche, qu'aperçut-il dans son oratoire ?... L'inconnu au genou de la reine et lui récitant un doux chapelet d'amour.
    Sa fureur n'eut plus de borne ; il le fit saisir incontinent par ses gardes, et, muni d'une instruction de sa main royale pour le baille de Gisors, il le leur fit incontinent conduire devers ce lieu, pour être enclos à jamais dans le cachot de sa Tour des Archives, qu'il savait être sûr et de bonne garde.

    Bien des années se passèrent ainsi pour le prisonnier, même après la mort du roi Philippe ; car avant d'aller de vie à trépas, et en remettant la couronne à son fils aîné, Jean, duc de Normandie, il lui avait fait jurer de n'accorder jamais grâce au prisonnier.
    Donc celui-ci, après avoir épuisé toutes ses larmes à pleurer sur sa solitude et son éternelle séparation d'avec son adorée Blanche, finit par tomber dans un marasme complet. Peu à peu cependant la vigueur de la jeunesse reprit le dessus, et ses forces lui revinrent. Alors pour tromper l'ennui de sa captivité, avec la pointe de son poignard, qu’il avait su jusque là dissimuler à tous les regards, il s'occupa à graver et sculpter dans la pierre de son cachot, aux endroits éclairés par le jour venant des meurtrières, les épisodes de sa vie dont le souvenir lui était cher, ainsi que les images de la Passion du Christ, afin de se donner plus de force, plus d'énergie pour supporter ses propres douleurs.
    Un jour le gouverneur aperçut ce poignard et l'usage que son prisonnier en faisait ; mais craignant, sans doute, que ce ne fut là qu'un prétexte, et qu'il pût dans l'occurrence s'en servir à un tout autre usage, il lui fit arracher de force par ses soudards.
    Grande fut la désolation du pauvre captif, quand il se vit ainsi tout à coup privé de son unique consolation. Ni larmes, ni supplications ne purent fléchir l'impitoyable geôlier. Il pensa cette fois en mourir. Mais après que la force de sa douleur eût tué la force de son désespoir, il se prit à chercher et à méditer. La captivité est conseillère industrieuse, infatigable et hardie : donc ayant aperçu, adhérent aux lourdes ferrures de sa massive porte, un énorme clou dont la tête faisait saillie, et qui s'était un peu ébranlé par le va et vient de cette porte, il n'eut plus de cesse, de repos, que ce bienheureux clou ne fut en sa possession. Mais aussi, que de travail, que de peines, que d'angoisses pour arriver à ce résultat !... C'était à genou, accroupi, se servant de ses ongles et de ses dents, s'emparant avec une joie folle du moindre caillou qu'il pouvait découvrir dans la terre de son cachot pour lui servir de levier, qu'il usait toutes ses heures, ses journées, épuisait toutes ses forces à la conquête de ce prédestiné clou. Ses tentatives étaient vaines, mais il recommençait sans cesse : son énergie l'avait fait fort et indomptable.
    Plusieurs jours et plusieurs nuits s'écoulèrent ainsi dans ce pénible labeur, et ayant bien soin surtout, chaque fois qu'il entendait descendre le gouverneur, de dissimuler la nature de son travail. Or un matin qu'après son incessant labeur de la veille il avait cherché dans le repos du sommeil un baume réparateur, et qu'il n'y avait trouvé qu'une surexcitation fébrile et nerveuse, alors qu'il commençait à désespérer, il se rua sur sa besogne avec rage, avec démence, avec frénésie. Il était résolu d'en finir cette fois, ou alors de jeter sa vie dans un coin comme un haillon inutile. Il s'était donc de nouveau cramponné après le clou, y épuisant ses suprêmes efforts, lorsqu'une flexion inattendue le rejeta en arrière et le fit choir tout de son long par terre. Il se relève, se précipite sur son clou... Oh ! bonheur ! il s'est dégagé du fer ; il ne tient plus que dans l'épaisseur du bois... Allons, courage ; quelques secousses encore et le trésor acheté au prix de tant de larmes et de sang est à toi…
    Bien des années s'étaient écoulées encore, lorsqu'un jour entendant des pas inaccoutumés descendre vers son cachot, sa respiration s'arrêta tout à coup, il fut comme pris de vertige... Et pourtant le gouverneur et ses acolytes venaient régulièrement plusieurs fois chaque jour le visiter et lui apporter ses maigres victuailles, mais lorsqu'il descendait le prisonnier le reconnaissait à sa marche, et un sentiment de répulsion s'emparait instinctivement de lui ; sentiment que l'on éprouve envers tous ceux qui sont ou la cause ou l'outil de votre malheur. Or cette fois son émotion n'était pas la même, son âme était comme suspendue dans le vague, un sentiment indéfinissable absorbait toutes ses facultés : était ce la mort ? était ce la vie ?
    Bientôt une clé tourne dans la serrure, les verrous grincent et la porte s'ouvre... Une femme vêtue de noir et voilée entra, accompagnée d'un religieux de Saint Ouen.
    - Blanche ! s'était aussitôt écrié le prisonnier par une sorte de prescience intuitive avant qu'elle n'eût le temps de lever son voile ; et il était tombé sur le sol comme frappé de la foudre.
    Lorsqu'à force de soins, Blanche et le religieux lui eurent fait reprendre ses sens, elle lui fit part de l'autorisation qu'elle avait fini par obtenir de son beau-fils, le roi Jean, d'habiter son comté d'Evreux ; et que par ainsi elle pourrait désormais le visiter de temps en temps, - souvent, peut être... - afin d'adoucir autant qu'il serait en elle les tourments de la longue captivité qu'il endurait pour l'amour d'elle.
    Blanche, suivant sa promesse, descendit d'abord au cachot de temps à autre ; puis par la force d'habitude qu'elle en contracta, elle y vint bientôt chaque jour, puis elle y demeura durant tout le jour. Très souvent le religieux l'accompagnait, et alors Blanche filait sa quenouille ou tricotait, et de son côté le prisonnier se déduisait à engraver ses images ; quelquefois aussi Blanche venait seule... C'était lorsque le religieux était retenu par les devoirs de son saint ministère.
    Bien des années se passèrent encore ainsi, pendant lesquelles le prisonnier n'eut pas changé son cachot pour le plus beau trône de l'univers.

    Puis de leurs doux passe-temps naquit une fille, dont nul autre que le religieux n'eut le secret. Or, un jour Blanche fut mandée à la cour relativement à une nouvelle escapade de son frère Charles le Mauvais, et de nouveau le prisonnier resta seul. Les chaînes de sa captivité lui parurent alors bien plus lourdes à porter !... Au lieu de continuer ses engravements d'amour et de tournois, il s'ingéra un autre travail plus pénible pour dompter son ennui, en attendant le retour tant aspiré de sa douce et adorée Blanche. Il se mit donc à creuser avec son clou dans la muraille, au dessous de chaque meurtrière, plusieurs trous formant échelle jusqu'à la hauteur du créneau. Les premiers échelons ne présentaient, il est vrai, aucune difficulté, puisqu'il les creusait soit debout, soit à genou, mais aussi dès qu'il venait à quitter le sol, et que son escabeau même ne lui était plus d'aucun secours, c'est là que commençait le travail suppliciant. Il agrafait alternativement, comme des crampons de fer, un pied, puis l'autre, selon que la fatigue l'y contraignait sur l'échelon inférieur du mur ; puis d'une main il s'accrochait à l'échelon intermédiaire, tandis que de l'autre, le front ruisselant d'une sueur de sang il creusait l'échelon supérieur.
    Le gouverneur s'aperçut de ce travail, examina mentalement et scrupuleusement s'il n'y avait pas là de caché, sous une apparence futile, un projet d'évasion ; mais voyant d'une part que la solidité des pierres du cachot n'était aucunement atteinte, et que de l'autre il était de toute impossibilité à un corps humain de passer par l'ouverture des meurtrières, il se contenta de lui dire :
    - Pourquoi tout ce travail puéril ?
    - C'est afin, monseigneur, de contempler d'un peu plus près la bienfaisante lumière du ciel, et d'apercevoir un peu la verdure de la cime des arbres.
    Soit qu'il ne le voulut pas, qu'il ne l'osât pas, vu qu'il savait que la reine Blanche protégeait le prisonnier, - toujours est il qu'il n'entrava pas sa fantaisie.
    A quelque temps de là, le religieux entra un jour tout effaré et la figure bouleversée dans le cachot du prisonnier. Celui-ci à sa vue fut rempli d'épouvante ; et ce fut bien pis encore lorsqu'il eut appris que le bruit courait dans Gisors que la bonne dame blanche se débattait dans les angoisses de l'agonie... Enfin qu'elle avait été empoisonnée à la cour.
    Sachant que la reine vivait encore, il ne désespéra pas, et comme il était, lui, expert en sciences chimiques, qu'il connaissait certaines préparations infaillibles pour combattre efficacement toute espèce de poisons, sa résolution fut tout aussitôt prise, et il ne craignit plus de ne pas arriver assez à temps.
    Il lui fallut donc attendre jusqu'à la nuit tombée pour opérer son évasion, car après une insigne tentative qu'il essaya, tout aussitôt que le religieux lui eut fait part de la fatale nouvelle, surexcité qu'il était par son effervescence, il lui eut été d'autant plus difficile encore, à quelques heures près seulement, de réussir à traverser ainsi en plein jour toutes ces multiples enceintes remplies d'hommes d'armes et de sentinelles à chaque pas. Afin même de ne pas donner la plus légère prise au moindre soupçon, tant que parût la clarté du ciel, ou par parler avec plus de vérité, jusqu'à ce que le gouverneur eut fait sa dernière ronde de l'après dînée, il besogna avec une ardeur inaccoutumée à ses engravements. Ce jour là, son plan bien combiné, et certain d'avance, par la puissance de sa volonté, que c'était le dernier de sa captivité dans ce cachot, il traça profondément de son clou, sur une des pierres faisant face à la meurtrière par laquelle il devait s'évader ce distique : "Mater Dei, memento mei." précédé d'un cercle complet pour désigner que le terme de sa captivité était enfin arrivée, et suivi d'un coeur, sans doute aussi pour démontrer que c'était là que Blanche avait répondu à son amour. Puis, positivement au dessous de cette invocation religieuse, il grava son nom : "POVLAIN".
    Le gouverneur ayant vu le cachot dans son état habituel, et le prisonnier travaillant avec un calme apparent, pensa bénévolement que sa tentative de fuite n'avait été que le fruit d'une folle escapade, et les soupçons qui le préoccupait furent alors dissipés. Mais sitôt que Poulain, puisqu'ainsi a-t-il écrit son nom, eut entendu les verrous grincer et les pas s'éloigner, prompt et ardent comme la foudre, il grimpa, ou plutôt escalada jusqu'au fond de la meurtrière de laquelle il attendait son salut.
    Ce fut avec une force et une énergie surnaturelles qu'il se mit à l'oeuvre. Des perles de sang ruisselaient sur son visage ? Qu'importe !... Ses genoux, ses mains étaient contusionnés, déchirés ? Qu'importe encore : la vie de Blanche était au bout !... En vingt fois moins de temps, bien sûr, qu'il n'en eût fallu à un bon ouvrier muni d'engins et d'outils, il eut tout fini, rien qu'avec son clou. Puis il attendit là, blotti, tout près d'agir, que le nuit fut bien noire ; mais dévoré d'impatience, il redoutait cette fois là que le jour ne dut jamais finir.
    Pourtant le cri : "- Sentinelles, prenez garde à vous !"- s'est fait entendre sur les barbacanes, et les pas du soldat de guette s'éloignent de la tour... Le moment est venu : à l'oeuvre !
    On entend plusieurs pierres se détacher du mur de la tour et tomber dans l'eau du fossé du Banneton ; puis un autre bruit plus animé le suivre immédiatement. Le soldat de guette s'est tout aussitôt retourné ; et distinguant sur l'eau, à la douteuse clarté des étoiles, un corps qui surnage et semble se diriger vers la rive opposée, il ajuste et décoche une flèche à carreau, vers le but de laquelle on entend s'exhaler un sourd gémissement. Puis il jette le cri d'alarme et chacun est bientôt sur pied.
    Le prisonnier blessé mortellement, avait pu cependant nager jusqu'au talus, le gravir, escalader les monticules de défense des remparts, et, à la faveur de la nuit, se glisser comme un reptile vers la forêt du Buisson Bleu.

    Ce ne fut que le lendemain matin, en suivant la trace de son sang, qu'on le découvrit évanoui d'épuisement, derrière un buisson du chemin.
    On le transporta en toute hâte chez le gouverneur ; et là, tandis qu'on était en train de sonder la plaie et de poser les premiers appareils, on entendit une rumeur inaccoutumée dans la ville, puis dans le bourg. C'était la reine Blanche qui revenait en Gisors, après avoir été secrètement jusqu'à Avignon, se faire relever par le pape Innocent VI, de son voeu de fidélité aux mânes de son époux le roi Philippe ; et c'était elle aussi qui avait fait courir le bruit de sa maladie, afin de ne point donner l'éveil sur son voyage, ne pensant pas que cette nouvelle dût franchir les murailles de Paris.
    Après le baiser d'adieu donné à Blanche et à sa fille, il trépassa ; et fut enterré, ainsi que nous l'avons dit, à l'entrée du souterrain de la tour de Neaufles.

    Gédéon DUBREUIL, Gisors et ses environs



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  • LÉGENDES
    de
    L'EURE


    LE CARREFOUR DES FÉES

    On montre encore, à Saint Paër, près de Gisors, un carrefour, entouré d’arbres, où se réunissent plusieurs routes, et qui est nommé par les uns : le Rendez-Vous des Fées, par les autres : Rond des Pouilleux, en faisant allusion à un fait traditionnel : exemple bizarre et tant soit peu vulgaire des caprices souverains de mesdames les fées.
    Au milieu du carrefour que nous avons indiqué, se tenait, tous les soirs, le grand conseil des fées qui s’était attribué la surveillance du pays.
    Chaque fée avait son canton à administrer, et elles devaient se rendre compte mutuellement de ce qui s’était passé dans leur district. La présidente de l’assemblée tenait, entre ses mains, un livre de vie qui contenait les noms de chaque habitant. A mesure que les fées faisaient leur rapport, et suivant qu’il était favorable ou contraire, elle marquait les noms inscrits d’un point noir ou blanc, et l’on prononçait ensuite le jugement des coupables, qui s’étaient attiré la marque honteuse du point noir.
    La séance se terminait par une danse ébouriffante, où les fées rivalisaient d’intrépidité.
    Or, savez vous quels étaient les résultats de cette assemblée magistrale ?

    Tous les paysans et paysannes, allant au marché de Gisors pour vendre leurs récoltes, ou faire leurs provisions hebdomadaires, étaient obligés de suivre un embranchement des routes, aboutissant au fameux carrefour. Arrivés là, ils se sentaient pris d’une fatigue subite qui les forçait de faire halte et de s’asseoir, quelque envie, d’ailleurs, qu’ils eussent de passer outre. Mais cette lassitude factice ne durait qu’un instant. A peine assis, les méchantes gens, marqués d’un point noir, se relevaient honteux et effrayés ; leur corps était couvert de certains insectes aux habitudes tracassières. Les bonnes gens, au contraire, dont le nom était marqué d’un point blanc, se relevaient allégés et dispos, et continuaient leur route, la jambe leste, la tête haute et le cœur joyeux.
    - Au marché de Gisors, c’était un concert d’acclamations pour chaque nouvel arrivant : voilà de bonnes gens ! s’écriait-on devant ceux dont la démarche brave et sémillante témoignait en leur faveur.
    - Voilà des gueux, ils ont des poux ! répétait-on à ceux qui se traînaient piteusement, ou trahissaient une malencontreuse démangeaison.

    Amélie BOSQUET - Normandie romanesque et merveilleuse (1845)



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  • Emission du 21 Mai 2004 France Culture


     

    Entrée libre : maisons d'artistes



    Emission du 21 Mai 2004
    Le carnet s'ouvre sur la maison de Reinhoud, ce sculpteur flamand installé dans la campagne près de Gisors. Partout, des sculptures en acier, des oiseaux, des corps, des objets, de drôles d'invités assis à la table, qui nous regardent, brillants, incongrus. A travers cette maison, c'est aussi l'histoire du groupe Cobra qui sera racontée ici.

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  • On a tant glosé, vociféré sur l’origine de ce Nicolas Poulain, qu’il convient une fois pour toute de mettre les choses au claire.
    A la fin du XVIème siècle, la France eut un roi dont le règne fut éphémère, c’était Charles Ier de Bourbon, appelé Charles X pour les besoins de la couronne. Oncle et parrain d’Henri IV et cousin germain de François de Lorraine, il était né en 1523. Abbé de Jumièges, St Wandrille, de Châalis , évêque de Carcassonne, Cardinal, archevêque de Rouen de 1552 à 1590, légat du pape en Avignon de 1565 à 1590, c’est lui qui avait béni le mariage de Marguerite de Valois et d’Henri IV à la veille de la Saint-Barthélemy. À la mort du duc d’Alençon, dernier frère d’Henri III, il fut reconnu par la Ligue et Philippe II d’Espagne comme héritier présomptif de la couronne de France. En 1588, Henri III le désigne comme son plus proche parent. Après le meurtre de ce dernier, Charles de Bourbon-Vendôme fut proclamé roi par les Ligueurs au château de Gaillon, dans la Maison Blanche du Lydieu , le 2 août 1589.
    Une anecdote peu connue révèle que Charles de Bourbon, futur prêtre-roi, eut une liaison avec une femme dont ignore tout. De cette union interdite, un fils naquit à Saint-Denis vers 1560. Un fils d’archevêque cela fait désordre, bien qu’il ne fut pas le premier dans ce cas. Outre Châteaubriant, Gérard de Nerval affirme lui aussi qu’il eut un fils naturel appelé Poullain .
    Nous présentons donc ici un élément de preuve irréfutable car authentique et historique à propos de ces allégations. Cette preuve date de 1725, année de sa publication. Elle apparaît dans les sources généalogiques les plus connues et pourtant personne à ce jour n’a songé à la mentionner. Elle fut publiée par le père Anselme de Sainte Marie dans son Histoire Généalogique de la Maison de France, ou il dit très objectivement: « Fils naturel du Cardinal de Bourbon: N. POULLAIN à qui le Roi Henri IV, le qualifiant de Sieur Poullain, fils naturel de feu M. le Cardinal de Bourbon son oncle, ordonna une somme de mille écus dont sa Majesté lui avait fait don, pour lui être payée par Balthazar Gobelin, Trésorier de l'Epargne (extrait de l'original du Conseil du Roi, tenu pour les finances à Paris le 16 mars 1595) » . Le texte du père Anselme est indéniable. Nicolas Poulain (ou Poullain), le prisonnier de la tour de Gisors, est bien le fils de Charles de Bourbon, archevêque de Rouen. Ou alors, par quel fantastique hasard, pourrait-on trouver deux N. Poulain dans la même région, à la même époque? Quelles pourraient être les possibilités, statistiquement parlant?
    A l’instar de son fils, agent double emprisonné à Gisors, ami ou ennemi on ne sait trop, Charles X n’eut guère plus de chance. Il fut arrêté à Blois le 23 décembre 1589 et placé en résidence surveillée, tandis qu’on assassinait les Guises . Il mourut prisonnier à Fontenay-le-Comte le 9 mai 1590 et fut enterré en la Chartreuse de Bourbon-lèz-Gaillon qu’il avait fait ériger de son vivant. Son tombeau fut ravagé par l’incendie de 1764. Ses cendres, avec celles d’autres princes et princesses de Bourbon, furent transférées dans une crypte de la nouvelle Chartreuse reconstruite au même endroit. L’abbaye ayant été détruite pendant la Révolution, le marbre tumulaire, reflet d’une haute initiation (tête de mort et tibias entrecroisés), fuit placé dans l’église Saint-Georges d’Aubevoye.

    Thierry Garnier
    © Thierry Garnier 2005


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