• L'orme de Gisors

    De tout temps l'orme a été omniprésent dans les villes et les villages. Ils sont placés au bord des voies romaines, dont plusieurs peut-être remplacé des colonnes militaires,d'autres plantés sur des ruines d'anciens édifices ou sur des lieux de sépulture,d'autres encore servaient à rendre les arrêts de justice seigneuriales et enfin ils pouvaient indiquer les limites de forêts défrichées.

    Mais en majorité, l'orme était présent sur les places mais aussi autour du village qui servait de décor à la cour de justice qui se tenait en plein air. Arbre idéal pour se protégeait de la chaleur ou de la pluie : d'où le proverbe « point de beau temps,pointde justice ».

    Dans le traité des seigneuries,  de Loyseau est affirmatif sur le rapport entre la justice et l'arbre : « Ainsi en France, la Justice de la maison du roi s'exerçait à la porte de son palais et s'appelait les pleds de la porte, et il se voit communément que les justices des seigneurs se tiennent à la porte de leurs maisons, d'ordinaire sous quelque orme qui s'y trouve planté, pourquoi les juges de village sont communément appelés juges de dessous de l'orme ».

    Dans l'histoire du droit français des origines à la Révolution Française d'Olivier Martin, il précise qu'au XIIIe siècle « la possession d'un orme par un seigneur est« enseigne de haute justice » c'est-à-dire fait présumer qu'il est haut justicier ».

    Quand Maurice Crampon dit que l'orme était l'arbre féodal par excellence » cela signifie que l'orme est l'arbre de justice par excellence.

    Dans son rôle solennel l'orme présidait à certains actes : l'orme planté devant l'église de Pontoise était le lieu de rédaction et de signature des contrats.

    Au milieu du XVIIIe siècle, on considérait que l'orme était pour les premiers chrétiens un symbole du martyre au même titre que le palmier, d'où la présence de cet arbre devant les églises consacrées aux saint morts pour leur foi. D'ailleurs un siècle plus tard on peut lire dans un article du Moniteur Universel que « l'orme, au moyenÂge, était planté devant toute église dédiée à un martyre ; il remplaçait, sous notre latitude, le palmier emblématique des pays de l'Orient ».

    Dans les chroniques de Gonesse, on peut lire également qu'un orme peut indiquer une ancienne possession de templiers qui avaient l'habitude de planter un ormeteau devant leur maison.

    En symbolisme, on peut considérer que la dualité de cet arbre nous attend au carrefour, comme tout chevalier qui part en quête, on devra choisir notre chemin entre le bien et mal ; le mensonge, la vérité ; la vie, la mort. Il symbolise le labyrinthe, avec la mort toujours au bout qui nous attend. C´est aussi l´Axe entre le Haut et le Bas.

    En ce qui concerne les croyances populaires, il faut se reporter au Livre des superstitions qui affirme « que l'orme est avec le bouleau l'arbre privilégié des elfes, protège de la foudre, non seulement on peut s'abriter sous ses fondations, mais le voyageur qui s'appuie sur un bâton de bois d'orme peut affronter sans risque l'orage le plus déchaîné ».

    On peut trouver aussi dans les chroniques de Mozani que « brûler de l'orme dans son jardin et y jeter un ruban jaune noué fait taire aussitôt les médisances et les calomnies.

    Si on se penche sur la médecine populaire, on s'aperçoit que dès l'antiquité l'orme est considéré comme plante médicinale. De nombreux traités médicaux le mentionnent. Pline l'Ancien y attribuait les milles vertus : « les feuilles, l'écorce, et les rameaux de l'orme ont une grande vertu coagulante et renferment les pâlies.. » Les fibres intérieures de l'écorce en compresses sont un médicament efficace contre la lèpre.

    Dans un recueil normand du XVIIIe siècle du docteur Fournée on préconise page 245 l'utilisation des racines cuites de l'orme pour cicatriser les vieilles brûlures et celle de ses fruits parmi les ingrédients d'un baume de millepertuis contre les coupures et les ulcères. Dans le dictionnaire du monde rural de Marcel Lachiver à la fin du XVIIIe siècle il signale que l'écorce de l'orme est utilisée en décoction contre les maladies de la peau.

    En astrologie celtique, l'orme est synonyme de générosité.

    Alors que la Kabbale le désigne comme arbre de vie : l'arbre de vie, commencement de l'oeuvre de vie et de sa fin.

    Juste une petite parenthèse : l'orme est utilisé pour la construction des bateaux car c'est le bois le plus résistant et le plus étanche. Cela me fait penser à l'arche de Noé, à la sainte Famille s'embarquant sur un bateau fuyant la Palestine...

    D'autre part, l'orme dans la tradition nordique fait naître la première femme de l'orme alors que l'homme naquit du frêne. Ce qui représente la déesse mère reliée à la terre.

    Dans le culte des saints,en Normandie, le docteur Fournée mentionne deux ormes dédiés à la Vierge : un au Gros Theil dans l'Eure et l'autre à Saint Germain de Clairefeuille dans l'Orne.

    Et puis comment ne pas parler de l'orme de Gisors qui est entré grâce aux chroniques médiévales de l'orme historique à l'orme de légende ?

    D'après Victor Patte, il faut se rendre à la gare de Gisors si l'on veut voir où s'élevait  jadis sur la limite des deux vexins, français et normand au milieu de la plaine comprise entre le chemin de Flavacourt et de Trie, le « Grand Orme » appelé aussi l'orme des conférences.

    C'est là que Bernard de Clairvaux sous l'orme de Gisors élabora la première règle du Temple.

    C 'est sous son ombrage que fut organisé les rencontres en 1174 et 1175 de Louis VII et Henri II. Puis à nouveau à quatre reprises de 1180 à 1187. Puis rien que pour l'année 1188 4 réunions entre Henri II et Philippe Auguste.

    Mais la réunion la plus mémorable fut celle du 21 janvier 1188 sous le grand orme pour délibérer sur Jérusalem qui venait de retomber aux mains de Saladin. C'était la consternation générale dans toute la chrétienté.

    En ce 21 janvier, tous les grands barons de France, d'Angleterre et d'Aquitaine sont présents. Philippe Auguste et Henri II sont arrivés . Puis deux prélats avec la croix pontificale annonçant les légats du pape puis quelques chevaliers de blancs vêtus à la croix rouge. Le cardinal-évêque d'Albano et Guillaume, archevêque de Tyr racontent ce qui se passe pour les chrétiens orientaux. Guillaume de Tyr reprocha aux guerriers qui l'écoutaient de n'avoir point secouru leur frères, d'avoir laissé ravir l'héritage de Jésus Christ. Puis le cardinal d'Albano donna lecture d'une lettre pressante du pape Grégoire VIII les invitant tous à se croiser.

    Pour l'expédition, ils choisirent chacun un signe différent :le roi de France et ses hommes des croix rouges, le roi d'Angleterre et les siens des croix blanches, le comte de Flandres et ses barons des croix vertes. C'est à cette croix que remonte l'origine des armes de Gisors. En souvenir du parlement où Philippe Auguste et Henri II décidèrent la troisième croisade, Gisors ajouta au dessous de la couronne murale qui surmontait son écu la date de 1188.

    Pour commémorer la troisième croisade prêchée à Gisors, les deux souverains, Philippe Auguste et Henri II fondèrent une église, élevèrent une croix en se promettant de former alliance. L'endroit où le serment fut fait devant la croix fut appelé le saint champ.

    Malgré ce beau serment, la paix entre la France et l'Angleterre fut de courte durée. Après plusieurs défaite de l'armée anglaise, Henri demanda une entrevue à Gisors e le grand orme prêta encore son ombrage aux princes fatigués et désabusés de tant de combats et de carnage.

    C'est le 1er septembre 1188 que le roi Henri II d'Angleterre et le roi de France Philippe Auguste se réunissent sous l'orme. Mais d'après une version officielle, au bout de trois jours de discussion, sous un soleil implacable, la réunion tourna court brutalement pour se terminer en une bataille sanglante. Les Français très excités poursuivront les anglais qui seront obligés de se protéger dans le château de Gisors. Et c'est là, que Philippe auguste aurait fait couper l'orme de Gisors.

    Une autre version dit que Philippe Auguste et Henri II auraient eu un gave différend et serait venu à Gisors pour en découdre en pariant sur le sort de l'orme. Philippe Auguste aurait eu la volonté farouche d'abattre l'orme alors que le roi Henri II aurait voulu le protéger en entourant le tronc de lame de fer. Le lendemain, un combat sanglant se déclenchait entre les français et les anglais. Richard Coeur de Lion aida comme il put mais le soir, les français avaient coupé l'orme de Gisors.

    Légende ou vérité, en tout cas, l'orme de Gisors a bien été abattu.

    Mais retournons un instant en arrière avec la prise de Jérusalem en 1099 par Godefroy de Bouillon, qui installe un prieuré sur l'ancienne abbaye du Mont Sion et devient le siège d'un ordre appelé Ordre de Sion, début primitif de l'Ordre du Temple.

    En 1114, probablement l'Ordre du Temple élabore ses bases pour naître officiellement sur le site de Salomon. Il semble bien que les deux ordres – Sion et Temple – aient eu conjointement les mêmes grands maîtres jusqu'à 1188.

    Un an avant, Jérusalem est reprise par les Sarrasins. Cette perte en terre Sainte est très mal vécue en Occident. Le grand Maître du Temple, Gérard de Ridefort, est accusé d'incompétence voire même de trahison, ce qui oblige à un retour précipité deschevaliers en France.

    Et c'est à Gisors sous l'orme, l'arbre de justice que les deux ordres se séparent. Le prieuré de Sion nomme Jean de Gisors le 15 août 1188 premier grand Maître. Cet ordre connu aussi sous le nom de Ormus, séparera définitivement les deux ordres.

    Pour terminer, soulignons qu'à Paris, Place saint Gervais, c'est le lieu de ralliement sous un orme, des compagnons du Tour de France.

    C'est là également que fut construit le premier temple catholique qui d'après Gérard de Sède est associé à Gisors qui le voit comme GIT OR dans son livre « Les Templiers sont parmi nous »...

    Toujours dans la même lignée, je voudrais vous parler maintenant de l'orme deVienne.

    Blason de la ville de Vienne

    peinture murale figurant dans la cour de l'Hôtel de Ville

    Il y a soixante ans, le 30 septembre 1942, la ville de Vienne dans l'Isère adoptait la ville de Gisors et lui accordait une subvention non négligeable pour lui permettre de

    reconstruire après les bombardements allemands. La ville était alors détruite à 50%.

    L'ancienne grande rue à Gisors sera alors rebaptisée Rue de Vienne en reconnaissance de la générosité de la ville de Vienne et de ses habitants.

    Autrefois il y avait à Vienne, un dolmen où les magistrats de la ville exerçait près d'un orme la haute justice. Cette coutume commença avec les premiers rois de Bourgogne pour se terminer avec les derniers rois de Vienne. Si on consulte la généalogie des rois de Provence, on arrive aux comtes du Vexin, ce qui explique bien la continuité des ormes à Gisors et à Vienne...

    Marie de Mazan

     

    Bibiographie :

    Victor Patte  - Histoire de Gisors Edition Page de Garde

    Jean Markale - Gisors et l'Enigme des Templiers - Edition Gérard Watelet

    Gérard de Sède - Les Templiers sont parmi nous- Edition J'ai Lu - Poche

    Les cahiers de la Société Historique et géographique du Bassin de l'Epte

    L'Arbre et la Feuille - ARFE -

    Imago- Mundi - Religions - Mythes- Symboles - Le symbolisme de l'arbre 

     

     

     


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