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Par Marie de Mazan1 le 15 Février 2006 à 11:22
LÉGENDES
de
L'EURE
LE CARREFOUR DES FÉES
On montre encore, à Saint Paër, près de Gisors, un carrefour, entouré darbres, où se réunissent plusieurs routes, et qui est nommé par les uns : le Rendez-Vous des Fées, par les autres : Rond des Pouilleux, en faisant allusion à un fait traditionnel : exemple bizarre et tant soit peu vulgaire des caprices souverains de mesdames les fées.
Au milieu du carrefour que nous avons indiqué, se tenait, tous les soirs, le grand conseil des fées qui sétait attribué la surveillance du pays.
Chaque fée avait son canton à administrer, et elles devaient se rendre compte mutuellement de ce qui sétait passé dans leur district. La présidente de lassemblée tenait, entre ses mains, un livre de vie qui contenait les noms de chaque habitant. A mesure que les fées faisaient leur rapport, et suivant quil était favorable ou contraire, elle marquait les noms inscrits dun point noir ou blanc, et lon prononçait ensuite le jugement des coupables, qui sétaient attiré la marque honteuse du point noir.
La séance se terminait par une danse ébouriffante, où les fées rivalisaient dintrépidité.
Or, savez vous quels étaient les résultats de cette assemblée magistrale ?Tous les paysans et paysannes, allant au marché de Gisors pour vendre leurs récoltes, ou faire leurs provisions hebdomadaires, étaient obligés de suivre un embranchement des routes, aboutissant au fameux carrefour. Arrivés là, ils se sentaient pris dune fatigue subite qui les forçait de faire halte et de sasseoir, quelque envie, dailleurs, quils eussent de passer outre. Mais cette lassitude factice ne durait quun instant. A peine assis, les méchantes gens, marqués dun point noir, se relevaient honteux et effrayés ; leur corps était couvert de certains insectes aux habitudes tracassières. Les bonnes gens, au contraire, dont le nom était marqué dun point blanc, se relevaient allégés et dispos, et continuaient leur route, la jambe leste, la tête haute et le cur joyeux.
- Au marché de Gisors, cétait un concert dacclamations pour chaque nouvel arrivant : voilà de bonnes gens ! sécriait-on devant ceux dont la démarche brave et sémillante témoignait en leur faveur.
- Voilà des gueux, ils ont des poux ! répétait-on à ceux qui se traînaient piteusement, ou trahissaient une malencontreuse démangeaison.Amélie BOSQUET - Normandie romanesque et merveilleuse (1845)
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